Pour Isabel – un mandala est un roman de Antonio Tabucchi, qui n’a été publié qu’après la mort de l’auteur selon sa volonté.
Il s’agit d’un roman onirique, qui démarre par une enquête sur une femme disparue, ou perdue de vue par un narrateur, Tadeus Slowacki, homme polonais qui semble l’avoir aimée et dont on sait peu de choses au final.
L’enquête se déroule de manière circulaire, à la façon d’un mandala, par cercles concentriques, du plus éloigné (une rencontre avec une de ses amies d’enfance) jusqu’au point central, au dernier chapitre, qui conduit le narrateur à une entrevue avec Isabel elle-même.
On passe donc de situations plutôt réalistes, des scènes dans des bars ou des maisons à Lisbonne ou dans ses environs, pour aboutir à des scènes plus mystérieuses à Macao, en Suisse puis en Italie où le rêve est alors explicitement évoqué. Le narrateur interpelle un des personnages les plus énigmatiques, surnommé le Fantôme qui marche, par les termes « le rêve que nous traversons tous les deux ».
La fin du roman exprime encore plus littéralement un passage de rêve éveillé :
« Nous sommes arrivés au centre » lorsqu’un personnage vient placer la photographie d’Isabel au centre d’un cercle dessiné sur du sable. À ce moment précis, l’héroîne apparaît au narrateur telle qu’elle était lors de leur dernière rencontre. « Comme tu le vois, j’existe encore » lui dit-elle. « A présent, tu m’as retrouvée dans ton dernier cercle mais sache que ton centre est mon néant où je me trouve à présent. »
Les mandalas
Le mandala est un thème cher à Carl G. Jung, qui en a explicité les vertus. « C’est la voie qui mène au Centre, à l’individuation ». Le mandala rétablit un ordre intérieur et constitue un puissant support de croissance et de
transformation.
Ce roman "mandala » tourne sur lui-même afin d’aboutir à une rencontre mystérieuse, rencontre avec la femme mais rencontre du narrateur avec lui-même et ses sentiments de culpabilité vis-à-vis de la femme perdue :Isabel.
Ce dernier cercle, qui s’ouvre sur le néant et sur une forme d’absolution, correspond à une part non explorée qui ne sera pas élucidée dans le roman. Cette énigme qui restera non résolue pourrait s’apparenter à ce que Freud a appelé l’ombilic du rêve, la part qui reste mystérieuse dans toute tentative d’interprétation.
L’ombilic, part d’inconnu
Comme dans ce roman, le travail d’interprétation d’un rêve, en décryptant chaque fragment, conduit souvent à un point clé , un nœud qui va rester une énigme pour le rêveur et son thérapeute.
« C’est là l’ombilic du rêve, le point où il repose sur l’inconnu. » comme le précise Freud dans le deuxième chapitre de L’interprétation des rêves, à propos du rêve de l’injection faite à Irma, le premier soumis à son travail d’analyse. « Chaque rêve a au moins un point où il est insondable, semblable à un cordon ombilical par lequel il communique avec l’inconnu ».
L’interprétation en rêve éveillé
Ainsi, dans les séances de rêve éveillé, on ne cherchera pas forcément à tout interpréter et certaines images pourront faire l’objet de diverses interprétations qui seront tout aussi valides les unes que les autres.
La part mystérieuse de chaque séance doit être respectée et considérée comme une production singulière, l’expression de son propre univers ou langage.
La thérapie par le rêve éveillé libre contribue à développer un imaginaire spontané et personnel que nous n’avons pas forcément l’occasion d’exprimer au cours de notre vie consciente ou quotidienne.
Les séances de rêve éveillé libre, à l’instar des rêves nocturnes, « voie royale d’accès à l’inconscient », nous permettent d’explorer nos mondes intérieurs et de leur donner forme par le biais d’images et de symboles.
Ces rendez-vous, comme les retrouvailles du narrateur de Tabucchi avec la femme recherchée Isabel, constituent des rencontres avec soi, libératrices d’énergies et sources de créativité.
